Dans le jardin...

L'autorisation de sortir...
Bien sûr, elle aurait préféré se retrouver seule quelques instants, mais finalement elle aurait tout le temps pour cela après...
S'allonger dans l'herbe, et simplement admirer la nuit... les quelques étoiles perdues au milieu de cet océan d'encre si vaste.

Le regard calme, apaisant mais malgré tout inquisiteur de son maître l'avait déconcertée, tout à l'heure, surtout lorsqu'il avait posé sa main sur la sienne. Il la déconcertait.
Elle ne comprenait vraiment pas sa façon d'agir et de penser...
Lui arrivait-il parfois d'être furieux et de le montrer ?
Lui arrivait-il aussi de dire si quelque chose n'allait pas, ou agissait-il avec discrétion pour ne froisser personne ?

Elle essayait de comprendre, mais pour l'instant cela la dépassait.
Et chaque chose autour d'elle, le moindre bruit, la moindre odeur la mettait en alerte et lui rappelait l'image d'une... d'une illusion, quelque part.

" - Alors dis moi, qu'est ce qui te turlupines autant l'esprit ? "

La question la prit de court, elle ne s'y attendait vraiment pas...
Ce qui la "turlupinait"...?? Excellente question à laquelle elle n'était même pas sûre de pouvoir, de savoir répondre.
Toutefois, quelque chose en lui commençait à la toucher, aussi répondit-elle très franchement :

"Quelqu'un... quelqu'un m'a ramenée ici, n'est-ce pas ? Ce n'était pas...", commença-t-elle.

* Pas quoi exactement...?
Pas "vous" ?
pas "une illusion" ?? *

"...Non, bien sûr que ce n'était pas une illusion. Il était bien réel.", murmura-t-elle tout bas. "Qui était-ce ? Quel était son nom, et pourquoi m'a-t-il ramenée ? Voilà ce qui me perturbe... j'aimerais savoir pourquoi je..."

Elle ne finit pas sa phrase, s'allongeant dans l'herbe aussi volupteusement qu'un chat, et finit par poursuivre :

"Ce qui s'est passé là-bas était de ma faute. Avec cet homme... ce n'était pas vraiment sa faute à lui... Mais c'était aussi la sienne, celle de cette autre qui vit en moi, celle qui est née pendant que j'étais enfermée dans ma cellule... avant de voir le jour pour la première fois. Vous autres humains... vous appelez ça de la schizophrénie, je crois. Je n'ai pas de rêve d'avenir, je n'ai rien sauf elle... Mais elle est mauvaise."

Que dire de plus ?
Il était déjà bien assez miraculeux qu'elle lui ait autant parlé, et surtout qu'elle ait apprécié cela...

A côté d'elle, Aaron n'avait plus aucune notion du temps ni vraiment de l'espace... Il n'arrivait pas à se défaire de l'idée que finalement elle comptait énormément à ses yeux... Il se souvient encore de l'horrible déchirure qui avait souillé son coeur lorsqu'elle s'était enfuie... Oh, il s'y attendait à cette fuite... Mais il avait pensé qu'elle lui laisserait au moins quelques jours pour lui montrer ce qu'il avait vraiment ressenti en la voyant dans la cage... Ces deux jours sans elle furent un sacré calvaire même s'il ne l'avait jamais montré. Sans cesse se demander si elle va bien, si elle ne tombe pas sur un salop de première qui penserait à s'en servir le temps d'un soir pour assouvir ne serait ce qu'une pulsion ...

Si il avait été télépathe, oui il lui arrivait parfois d'être furieux... Il avait été furieux contre lui de l'avoir laissé partir comme ça... De s'être fait avoir comme un bleu... De l'avoir laissée seule avec elle-même... Pourtant, il ne l'avait pas montré, non, il ne pouvait pas montrer cela aux gens... Il s'était lâché dans son bureau... Seul, loin du regard des autres, il avait laissé aller sa colère, mais personne n'en saur ait jamais rien. Non, pour l'instant elle ne saurait pas l'effet que sa fuite avait eut sur Aaron... Il ne pouvait pas le lui avouer comme ça... Non... Décidément pas, surtout après ce qu'elle commença à dire...

Aaron l'écouta sans dire un mot... Ainsi elle était consciente et savait pour Nathaniel, enfin savait...Elle en avait une idée...Rien de plus... Il la regarda se coucher dans l'herbe et s'installa en tailleur à côté d'elle. Toujours à l'écouter, il attendait qu'elle ait finie, il ne voulait pas l'interrompre, il voulait écouter sa voix, l'écouter parler, tout simplement. Une fois qu'elle eut fini, il ne prit pas le temps de se demander ce qu'il devait dire, il lui devait la stricte vérité et elle la saurait.

" - Oui, il était bien réel. Il s'agit d'un Traqueur. Il s'appelle Nathaniel Solo. Pourquoi il t'a ramené je ne sais pas vraiment. Enfin si j'en ai une petite idée... D'abord parce que c'était son métier, mais je suis sûr que s'il avait vu que je n'étais pas un maitre respectueux, si l'on peut dire ça comme ça, s'il n'avait pas été sur que je te traiterai au mieux, il t'aurai emmené avec lui... "

Aaron eut beaucoup de mal à prononcer les mots qui suivirent et il ne fallait pas avoir beaucoup de jugeotte pour comprendre pourquoi.

" - Je crois qu'il t'appréciait rien qu'en t'ayant regardé. "

Tout d'abord, Eelian se contenta de sourire.
Il fallait qu'elle se l'avoue, elle aimait cette voix. Mais elle ne s'en rendait compte que maintenant... maintenant qu'elle avait bien failli tout gâcher.

Si on y réfléchissait un peu, c'était naturel pour elle d'avoir eu une telle réaction face à ce maître peu commun ; la peur d'abord.
Peur de ce à quoi les hommes l'avaient toujours habituée. Puis enfin, lorsque l'autre s'était réveillée, il y eut un dédain évident, du mépris, de la haine pure que n'importe qui aurait été bien incapable de contenir.
Puis le charme alors. Le charme... car c'était ainsi, dans sa triste cellule humide, qu'elle parvenait à obtenir la tranquillité, l'assurance qu'on la laisserait tranquille jusqu'au lendemain. Et encore.

Faire semblant, haïr, se défendre... ne jamais laisser quiconque la moindre prise sur elle (son âme, son identité, et seul son corps en pâtissait) - et ce en montrant la moindre émotion... la moindre parcelle d'honnêteté.
Dans ce monde, les gens honnêtes ne faisaient pas long feu, sauf ceux qui étaient nés riches ou "chanceux".
Encore que la chance ne fut pas un facteur très crédible non plus...
Alors elle avait laissé les années passer. S'était défendue comme une tigresse, mais mentalement uniquement. Car lorsqu'elle le faisait physiquement, les représailles étaient pires que tout...
...et dans ces moments, elle avait hurlé silencieusement à une potentielle divinité qu'Elle ait pitié et la tue.
Et ainsi, c'était l'autre qui prenait le relais.
Non pour défendre le corps qu'elle partageait avec Eelian, non. Juste par amour. Un amour pervers et étriqué, mais il était réel. Et c'était bien la seule chose qui restait à la jeune Hybride...

Alors était arrivé Aaron.
Elle n'aurait pas été capable, même avec toute la bonne volonté du monde, d'être reconnaissante ou heureuse de savoir qu'un tel homme la prenait enfin en charge.
Car à l'époque, personne ne lui avait jamais répondu, ne l'avait jamais écoutée. Perconne n'était venu pour la soulager de ses souffrances et de ses humiliations quotidiennes. Les miracles et la "gentillesse", pour elle, ça n'existait pas.
Surtout pas venant d'un homme.
Au contraire, la douleur combinée d'Eelian et de son étrange colocataire refirent surface tout d'un coup, déchirant la trop fragile carapace qu'elles avaient forgé ensemble...

Mais à présent, tout était différent...
Une chose. Une seule avait réussi à apaiser l'autre...
Une chose impossible. Une chose qui ne lui semblait même pas réelle jusque-là...

Eelian ferma les yeux en entendant le nom de son "sauveur"... son coeur se serra, et elle entendit la voix connue dans son esprit murmurer doucement...
Savoir qu'il semblait également l'apprécier la plongea dans un état quasi second. Pourtant elle n'avait rien vu de lui !
Elle avait seulement senti sa présence. N'avait pas contemplé son visage entendu sa voix... rien. Elle ne savait même pas quel genre d'homme il était exactement... mais...

Alors elle soupira, l'âme comme déchirée, et répondit à Aaron tout en ayant noté qu'il avait prononcé ses derniers mots avec une certaine difficulté, et aussi qu'il semblait plus soucieux de lui dire ce qu'il savait sur le Traqueur qu'autre chose :

"...Vous n'avez pas à vous en vouloir, Aaron. Je le répète, c'est moi la seule et unique responsable de ce qui s'est passé.", le ton de sa voix indiquait qu'elle n'admettrait aucune autre vérité (première réaction franche et honnête de sa part), puis elle continua : "Et après tout, je suis folle... Je crois quant à moi que vous feriez mieux de me revendre, ou de me trouver une place dans un asile. Ce n'est pas dans le but de me "débarrasser" de vous que je dis cela, mais parce que l'autre, une fois réveillée, représentera un véritable danger pour Minael et vous."

Son coeur sursauta une nouvelle fois lorsqu'elle se décida à lui avouer ceci, tout en priant qu'il ne dise rien d'inconsidéré suite à ça :

"Croyez-moi. C'est peut-être la première fois que je suis sincère avec quelqu'un... alors je vous en conjure, pensez-y."

Aaron, assis dans le jardin, regardait fixement les étoiles. En fait, après ce qu'il venait de dire, il attendait simplement de voir la réaction d'Eelian. Il ne savait pas comment elle allait réagir... Peut-être allait elle vouloir le revoir... Mais Nathaniel s'en doutait-il ? Il n'en savait rien... La vie était faite d'imprévus, mais là elle commençait à devenir franchement obscure sur la suite des évènements. Intérieurement, il n'aimait pas cela... Parfois pas assez sûr de lui, il préférait savoir ce qui allait arriver pour pouvoir s'y préparer. Il ne l'avait pas vu fermer les yeux bien sûr, à l'évocation du nom de son sauveur. Par contre, il perçu clairement le soupir qu'elle fit avant de répondre. La voix qu'elle eut lui fit comprendre assez rapidement qu'il n'était même pas la peine de contredire quoique ce soit... Mais en fait, il n'en avait aucunement l'intention, même s'il savait parfaitement que c'était un peu de sa faute quand même....

L'écouter dire ce qu'elle pensait vraiment le touchait. Elle lui disait ce qu'elle avait peut-être pas au fond du coeur, mais presque. Sa dernière phrase le fit sourire, doucement, il se rappelait de leur première rencontre... Elle lui avait d'ailleurs promis de lui parler de tout ça. Elle venait de le faire, c'était sans doute très dur pour elle et il comprenait parfaitement. Sans arrêter de contempler les étoiles, il se lança :

" - Je suis content que tu m'aies raconté tout cela. J'apprécie ton honnêteté tant elle rare parmis tous les êtres vivants sur cette planète. Toutefois... "

Il posa son regard sur elle :

" - Je n'aime pas faire cela, car c'est contraire à mes principes, mais je t'interdis de penser que tu es un danger pour qui ce soit. Je ne crois pas que tu sois folle loin de là ... Elle qui vit en toi, si différente soit-elle, elle est une partie de toi, créé pour que tu puisses survivre à ton passé, à ce passé qui, à ce que je pense comprendre, et tu me dis si je me trompe, a été très dur à vivre pour toi. Je ne sais pas ce que tu as vécu, combien tu as souffert, mais je le devine un peu... Même si je ne penses pas en avoir une réelle mesure... Te placer dans un asile n'est pas une solution, je pense que tu dois apprendre à vivre dans un "chez toi", bâtir des relations amicales, affectives... Tu dois apprendre à te reconstruire, et cela ça ne se fait pas en asile... "

Il marqua une pause.

" - Ne te demande pas pourquoi je fais ça. Je t'apprécie moi aussi énormément, je t'ai libérée car j'aspirais au meilleur pour toi. Ce meilleur, tu peux le bâtir, je le sais, tu as juste peut-être un peu besoin d'aide, mais pas celle de docteur qui ne t'apporterait même pas le centième de mon attention. Tu ne crois pas ? Ah, une dernière chose... Tutoies moi, s'il te plait."

Attentive, elle l'écouta.
Comme un enfant qui pour la première fois se retrouve sur un banc d'école. Effectivement, elle devait apprendre. Et pour cela, faire beaucoup d'efforts.
Mais pourquoi l'autre ne réagissait-elle pas ?
Pourquoi était-ce elle qui se sentait si triste et nostalgique en pensant que l' "aventure" et l' "imprévu" ne feraient plus partie de sa vie ??

* En même temps, réfléchis-y deux secondes...
En restant ici tu as des choses de le revoir, ce Traqueur dont tu es raide dingue. Même si tu as un drôle de pressentiment à son sujet...
Pour le reste, tu n'as qu'à voir ce que t'as apporté cette "aventure", cet "imprévu"...
...que des emmerdes.
Et moi, par la même occasion.
Je sais que tu ne veux pas de moi. Je sais que tu crois que je suis une partie de toi-même, et ton maître aussi apparemment.
Mais je suis moi. Née de ta haine, de ta souffrance. Née de tes cauchemars. Je n'ai pas le même visage, la même personnalité ni les même buts que toi. Je ne suis pas toi.
Nous ne sommes que des... colocataires.
Mais je t'aime quand même, Eelian.
Je voulais que tu trouves quelqu'un pour me remplacer... et je crois que c'est chose faite. A toi de décider... *

La jeune Hybride se sentit transpercée de part en part en se rendant compte qu'Aaron avait bien deviné.
Alors elle se contenta de rire, douloureusement, avec une joie contrite :

"...Vous... Tu as raison, oui. En asile, on ne peut que détruire les gens, les abrutir de médicaments qui les bouffent de l'intérieur et les rendent dépendants... juste avant qu'ils ne meurent. Quant à mon honnêteté, disons... que c'est un moyen de me racheter.", lâcha-t-elle.

Tout son savoir lui venait de l'autre, cette autre qui jouait franc-jeu en cet instant aussi, et qui avait avoué vouloir la laisser...?
Ce n'était pas possible... Et cela lui révélait beaucoup de choses quant à sa nature réelle...

"...Je t'apprécie moi aussi énormément..."

Avait-elle bien entendu...?
Alors elle avait également visé juste, à ce niveau. Mais que penser, que faire à présent...?

"Je... vois. Je suppose que... je peux vous... te faire confiance. Mais pour l'instant, tout est si flou autour de moi... Je suis tombée dans ce monde sans en connaître quoi que ce soit. Je pense qu'il me faudra un certain temps..." Bref silence, puis : "Je dois accepter avant tout. Guérir... ce n'est peut-être pas possible, à peine envisageable. Mais j'essaierai de faire au mieux... Merci, Aaron."

Puis la question finale, celle qui sans être primordiale, se révélait être indispensable pour elle - pour certaines raisons...
Elle devait le savoir, question de confiance entre eux.
Histoire de savoir comment appréhender tout ça...

"Jusqu'à quel point m'appréciez-v... m'apprécies-tu, Aaron ? Et surtout pourquoi ?"

Aaron se demandait s'il n'avait pas été trop loin en lui avouant qu'il l'appréciait aussi... Evidemment, ce mot au sens large, était quand même sacrément faible pour exprimer ce qu'il ressentait vraiment et ce, dès le premier jour de leur rencontre... Inconsciemment, alors qu'Eelian parlait, il fut soulagé de voir qu'elle ne semblait pas avoir noté ce qu'il avait dit. Alors après qu'elle eut fini, il répondit, son regard à nouveau porté sur les étoiles :

" - Oui, c'est pour cela que je ne veux pas t'envoyer là-bas... Détruire une personne est plus simple, mais tellement inhumain... T'aider à te renconstruire sera dur, long, parfois périlleux, je n'en doute pas, mais au combien meilleur pour toi. Quand à ta façon de te racheter, c'est gentil, mais tu n'as pas à le faire. On fait tous des erreurs, ça fait partie de nous, de nos pulsions... On ne peux pas se racheter pour ce que nous sommes, ce sont aux autres de nous accepter tels qu'on est, et je t'accepte telle que tu es. "

La contemplation du ciel étoilé de cette soirée était tout simplement splendide, un ciel bleu nuit sans l'ombre d'un nuage, des milliers de lueurs qui scintillaient partout sur la voûte nocturne...

" - Tout la difficulté sera pour toi, je le sais, je ne te facilite pas la tâche... On prendra tout notre temps, on est pas pressé. Je ferai tout pour que tu te sentes bien parmi nous, pour que tu n'aies pas à t'en faire pour autre chose que toi même. "

Puis, alors qu'il fixait les étoiles, la question qu'il redoutait arriva.... Oh bon sang... Oui, elle l'avait finalement entendue... Ce bout de phrase qu'il n'aurait du jamais prononcer mais qui était sorti de sa bouche comme tout ce qui était sorti avant et qui était venu droit depuis son coeur... S'agrippant les doigts, signe évident de nervosité, Aaron savait qu'il devait lui dire, ce n'était que justice, ou plutôt, qu'une question de confiance entre eux... Alors, n'osant pas regarder Eelian, il répondit, sa voix était moins assurée, mais il arrivait à aligner des phrases correctes, un bon début :

" - Et bien... Difficile à dire... Je n'ai jamais eu à poser de mots sur ce que je ressens à ton égard... Ca a commencé dans la boutique... Ton regard, si semblable au mien, m'a d'abord attiré, puis fasciné. Ton visage, aussi, si doux, toi, dans ton ensemble... Je ne peux pas me l'expliquer... Pour un être assez rationnel comme moi c'est assez troublant... Je ne peux expliquer les conséquences, mais je sais que c'est toi qui en est l'origine... Ce n'est pas un reproche, au contraire... Quand tu es là, je me sens plus léger, plus sûr de moi... Même si en ce moment, je suis ce qu'il y a de plus timide... "

Un bref silence :

" - C'est pour ça que je t'ai emmené avec moi... Ce n'était pas de la pitié, c'était autre chose, je t'appréciais déjà, malgré tout ce que tu m'avais dit sur toi. La seule chose dont j'avais envie, c'était d'apprendre à te connaitre, et j'en ai toujours autant envie... Mais pour répondre pleinement à ta question, je ne dirais que je t'apprécie jusqu'au point de ne pas abuser de toi, de ne pas te battre....de respecter tes paroles comme une égale... Au point de t'écouter, au point de te regarder sourire...Au point d'espérer un jour entendre ton rire "

Un homme franc, honnête et "gentil"...?
Non décidément, c'était bien trop de changements pour la jeune Hybride qui commençait réellement à se sentir à l'aise.
Malgré son petit côté naïf, malgré le fait qu'elle ne soit pas sa seule "possession", malgré le fait qu'elle soit ce qu'elle était, Eelian se disait que finalement la vie pouvait parfois devenir intéressante.

* Il n’y a rien de honteux à ce que quelqu’un observe quelque chose avec minutie. Dans ce monde illusoire où tout est rêve, rêve prenant parfois la saveur amère du cauchemar, qui vivra assez longtemps pour juger si une action est bonne ou mauvaise ?
Je suppose que je peux quand même... faire au mieux à présent. *

"Tu es vétérinaire, n'est-ce pas ? Cela veut dire, sans doute, que tu sais comment t'y prendre avec des gens comme Minael et moi. C'est... sans doute ce qu'on appelle un "avantage" certain.", dit-elle en réponse à ses premiers mots.

Puis vinrent les aveux, moins gênés que ce qu'elle aurait pu imaginer suite à son interrogatoire...
Mais ce qu'elle imaginait alors, c'était un autre homme...
Pensant de nouveau à lui, sentant son coeur se scinder de nouveau, elle l'écouta encore plus attentivement.
Sourit.
Se pencha vers lui sans plus essayer de dissimuler les larmes qui perlaient à ses yeux...

...et posa doucement sa bouche sur la sienne, une main posée sur sa nuque. Comme pour ne pas le laisser partir.
La "respecter", comme une "égale"...?
Mais cela ne serait jamais le cas, n'est-ce pas ?
Pas dans ce monde, pas ainsi. Mais dans cette maison, si...
Alors sans pour autant "dire adieu" à l'homme qui la hantait, Eelian acceptait pleinement sa nouvelle vie.
Juste une chose... ses yeux changèrent de manière imperceptible, sans agressivité.

"...Je vois. Et j'accepte tout ce que cela sous-entend.", murmura-t-elle avant de se détacher de lui et de se remettre sur le dos, ses yeux encore humides rivés sur le ciel. "Si tu m'acceptes, alors moi aussi."

Quelque chose lui manquait.
Lui pourrait peut-être le lui apporter.
Mais... lui, l'autre... comment faire pour l'occulter quelque peu de sa mémoire, à présent, sans faire souffrir ce maître à qui elle tenait, au fond ?

Aaron, après ses aveux, se demanderait comment Eelian réagirait... En fait, autant dire qu'il s'attendait à tout, même qu'elle se lève et qu'elle parte, sauf à ce qu'elle fit... Fixant les étoiles, il entendit l'herbe bruisser lentement, presque un murmure. Puis, ses yeux rencontrèrent ceux d'Eelian... Il lui sembla qu'ils brillaient un peu trop... Mais dans les ténèbres de la nuit, à peine rompus par la légère clarté apportée par la maison, il n'aurait juré de rien... De toute façon, il n'eut pas l'occasion d'observer davantage... Une main qui se resserre sur sa nuque... Des lèvres qui se rencontrent... Un moment unique, particulier. Totalement pris au dépourvu... Aaron n'eut aucune réaction sur le moment. Les lèvres se séparent, un murmure, un corps qui s'éloigne et se couche à côté à nouveau...

Une voix totalement désorientée, au moins autant que l'esprit, un murmure en tout cas :

" - Je... Tu... Vraiment ? "

Il avait l'air vraiment idiot... Il passa une main dans ses cheveux, généralment c'est ce qu'il faisait lorsqu'il ne savait pas quoi faire ou dire, ou lorsqu'il réfléchissait... En fait, dans le cas présent, il se sentait vraiment idiot et ne savait absolument ce qu'il devait dire ou faire.... En fait, doucement, il se contenta de prendre délicatement la main d'Eelian au creux de la sienne... Laissant un peu de temps passer pour se remettre de ses émotions, il essaya de répondre quelque chose :

" - Je sais que j'ai l'air d'un idiot, mais disons que je m'avance en terrain inconnu en ce qui concerne ces sentiments là... Et puis t'a "réponse" m'a laissé sans voix... "

Devant son air complètement déconcerté et de le voir ainsi bafouiller, Eelian éclata d'un rire cristallin et sincère, disant :

"Tu voulais m'entendre rire n'est-ce pas ? Eh bien ce rire je te l'offre, tu le mérites bien en cet instant précis." Elle calma quelque peu son hilarité, puis reprit avec plus de sérieux : "Un homme tel que toi devrait croire en lui. Tu es séduisant, intelligent... tout ce qu'il te faut, tu le possède. Ta réaction est compréhensible... jusque-là je n'ai rien fait d'autre que me comporter en sauvage. Mais ne doute jamais que tu puisse plaire à quelqu'un, jamais."

Il était vrai qu'il était touchant ainsi, et ce fut au tour d'Eelian d'être surprise ; cette réaction non plus n'était pas celle qu'elle attendait.
Alors était-il réellement un... "gentleman" ?
Sans doute. Et c'était vraiment surprenant pour une jeune femme comme Eelian, qui n'avait pas l'habitude de cela.

Car en agissant ainsi, elle voulait avant tout tester la réaction de l'homme qu'était Aaron.
Un homme comme celui qui l'avait frappée, ou l'un de ceux qui la gardaient, se serait contenté de lui sauter dessus et de la prendre de force. Mais pas Aaron.
Décidément, il était vraiment unique en son genre...

Puis comme rassénérée (et surtout tentée de recommencer, rien que pour revoir sa tête étonnée - sans compter qu'elle avait apprécié...), elle se remit à observer le ciel en pensant toujours au dénommé Nat.
Puis elle reprit alors la parole...

"Ne me fais pas croire que tu n'as jamais fait quoi que ce soit avec qui que ce soit...", hasarda-t-elle d'un air mutin.

Le rire d'Eelian fit sourire Aaron. C'était la première fois qu'il l'entendait rire et c'était vraiment merveilleux. Ce qu'elle lui dit le fit rougir, heureusement l'ombre que la nuit jetait sur eux lui permit de le lui cacher... En fait, c'était la première fois qu'on lui faisait des compliments. Enfin, plus précisément, qu'une personne qu'il aime, lui fasse des compliments. A côté d'elle, il se sentait un autre homme... La timidité passée, par l'effet de ce qu'elle venait de lui dire, il se sentait plus beau, plus attirant, il se sentait différents des autres, capables de miracles... C'était pour certaines choses forcément illusoires, mais à côté d'elle, tout devenait possible.

Lui aussi regardait les étoiles, si belles maintenant, mais leur éclat n'était rien comparé à celui qu'était le regard d'Eelian... Il n'avait jamais connu pareils sentiments auparavant non... C'était la première fois que son coeur battait si vite en présence d'une femme... Puis vint une question, sur un air mutin... Pourtant la question lui glaça le sang... Parce que l'espace d'un instant, il repensa à Tenshi Shino... Cette fameuse nuit, où il n'avait plus été lui-même... Préférant se laisser aller à son instant plutôt que de suivre son esprit... Il n'y avait pas eu de sentiments...Juste de l'attirance physique... Aaron perdit tout d'un coup toute cette confiance qu'il avait eu quelques instants auparavant... Il fixa les étoiles, et essaya de reprendre confiance. Il lui fallut quelques instants et répondit :

" - Eh bien... Comment dire... C'est bel est bien la première fois que je ressens des sentiments pour quelqu'un. Je découvre cela tel un novice perdu mais... Disons que je ne peux t'offrir ma virginité... "

Un bref silence, mais ne laissant pas le temps de répondre quoique ce soit à Eelian, il rajouta :

" - C'était le soir du jour où tu étais partie... Je ne pouvais pas rester dans mon bureau, je suis sorti, j'ai fais un tour près du torrent. Elle était là... Je n'étais plus tout à fait moi-même, mon esprit, à demi-conscient, à vite perdu face à mon corps... L'instinct a fait le reste... Je m'en veux à moi-même de cet écart. J'aurai voulu être "innoncent" pour toi... Je ne sais pas vraiment ce qui m'a pris... Mais je n'ai jamais rien ressenti pour elle... Je plaide coupable à cent pour cent.... Mais je regrette... A part cette nuit, il n'y a jamais rien eu, ni sentiments, ni actes... J'espère que tu me pardonneras.... "

Nouveau rire de la jeune Hybride, tout aussi sincère et amusé :

"Eh ! Il n'y a aucune raison pour que tu me présentes des excuses. Tu ne me dois rien, et tu es mon maître. De plus, si jamais tu n'avais jamais connu de relation charnelle, j'aurais fini par me poser certaines questions... "pureté", "virginité"... ces mots ne veulent rien dire dans notre monde. Nous ne sommes pas des saints, à peine de réels êtres humains. Et les hommes sont ainsi faits, nous autres femmes ou femelles n'y pouvons rien."

Oui, ce qu'elle disait elle le pensait réellement.
Comment éprouver de la rancoeur envers cette femelle qui avait saisi l'occasion pour se faire plaisir ? C'était si rare pour une créature soumise d'y avoir droit...
Quant à Aaron, elle ne pouvait rien dire car elle comprenait parfaitement sa réaction, et s'embarrasser d'une telle gêne était superflu avec Eelian.
Après tout, n'avait-elle pas en tête un autre homme en ce moment-même ?

"Mais peut-être souhaites-tu que je te gifle, pour te manifester mon "courroux" ? J'en serais bien incapable...", continua-t-elle sans cesser de rire. "Aaron... JE suis soumise à des lois. TU as le droit de faire tout ce qui te plaît. C'est ainsi, en tant que maître et qu'homme, je n'ai aucunement le droit de te blâmer, ce serait tout juste déplacé de ma part. Et, je le répète, je comprends parfaitement le concept de "pulsion"..."

Soupir hésitant, puis elle se décida à jouer franc-jeu aussi.
Cette douleur omniprésente était trop lourde à gérer seule...

"De plus je suis franche avec toi sans tout à fait l'être, Aaron. Je... j'aimerais revoir cet homme. Je ne pense qu'à cela... Même si je crois que cela passera peut-être avec le temps, je ne peux m'empêcher de penser que je suis tout juste cruelle avec toi ; je t'estime énormément et tu me plais, mais c'est un autre qui possède mon coeur pour le moment..."

Cette phrase était balbutiée, car plutôt blessante en soi.
Mais comme son maître, Eelian se devait d'être honnête avec elle-même...

La réaction d'Eelian le surprit quelque peu... Totalement désemparé devant le rire de l'hybride, Aaron écarquillait les yeux mais n'en écoutait pas moins. Ainsi, elle comprenait ? En fait, de cet aveu, Aaron pensait qu'il allait effectivement se prendre une gifle, ou tout autre chose pouvant manifester la surprise d'Eelian et sa déception... Ce qu'elle dit ensuite semblait justifier sa réponse, mais Aaron n'était pas convaincu de ce concept là...

" - Eelian... Je suis peut-être officiellement ton maître, mais là, ici... Je ne suis qu'un homme, dont les sentiments à ton égard sont forts... Très forts... Si les lois, ou les pulsions font de ce que j'ai fait quelque chose de normal, ce n'est pas pour cela que c'est légitime pour moi... Je consens que céder à une pulsion au moment où l'esprit est ailleurs, perdu, n'est pas énormément blâmable... Pourtant, en aucun cas, je n'abuserai de ce statut de maitre, et je pense que tu le sais bien... Je t'ai dis que je te respecterai comme la femme que tu es. Je n'ai qu'une parole... "

Quoiqu'il put dire, les révélations qui suvirent lui déchirèrent le coeur, et encore le mot était faible... Intimement, il le savait... En fait dès le moment où elle avait demandé qui était celui qui l'avait ramené, dès ce moment là, il avait eu un doute... Un doute qui se confirmait à présent... La hantise du soupirant... Aimé sans être aimé en retour, simplement être apprécié, rien de plus, rien de moins. Ainsi, son coeur était pris, par ce traqueur... Après tout que pouvait-il faire ? Devait-il se battre, jouer la concurrence et lutter pour le coeur de celle qu'il aimait tant ? Ou devait-il rendre les armes, aimer et souffrir en silence, la laissant retrouver l'élu de son coeur, et ainsi vivre une vie agréable ? Il ne savait pas... Il se demandait quelle valeur accorder à ce geste qu'elle avait fait un peu plus tôt... Doucement, il prit la parole :

" - Ma raison me demande de faire tout ce qui pourrait être à faire pour ton bonheur, pourtant, mon coeur ne peut se faire à l'idée de te laisser partir pour un autre... Mon coeur est à toi, le tien à un autre... Qu'ais-je à faire ? Passerais-je pour un égoiste en espérant me faire une place dans ton coeur ? Je suis déchiré entre la raison et la passion... Mais sans toi, je ne pourrais pas être tranquille... Je l'ai vécu quelques jours, je ne veux pas le revivre... "

Eelian était désemparée.
L'autre recommençait à sourire.
Eelian n'avait plus qu'à se taire jusqu'à la fin de sa vie, l'autre pensait sincèrement que c'était maintenant à elle d'agir...

Les yeux de la jeune Hybride se fermèrent... son souffle s'apaisa d'un coup, et lorsqu'elle rouvrit ceux-ci, ils avaient pris la teinte du sang.
Le tatouage tribal qui s'enroulait sur son bras gauche tel un serpent semblait à présent vivant, les volutes bougeaient en tous sens dans un mouvement fluide et hypnotisant.
Que les adeptes de la sainte psychanalyse se taisent et contemplent, car il était à présent on ne peut plus évident qu'Eelian était bien deux...

"Oui, vous êtes un homme. Et par conséquent, toutes les règles de ce monde abondent dans votre sens.", commença-t-elle d'une voix glaciale. "Voilà ce qu'Eelian voulait dire. De plus elle vous pardonne, alors ne tentez pas le diable inutilement en demandant à être puni ! Car c'est quasiment ce que vous faites. Tout ce que je vous demande, c'est de vous réveiller une bonne fois pour toutes, ou elle vous filera entre les doigts. Et il est clair qu'en tant que "colocataire" je ne la laisserai pas à un homme qui ne veut même pas se battre !", finit-elle en criant.

Même la voix était différente. Légèrement plus grave, et bien plus sûre aussi.
Ses mouvements à elle... tentateurs, et puissants à la fois. Un véritable prédateur qui ne s'encombrait pas de paroles vaines.
Seulement, Eelian l'avait changée, tout comme elle l'avait aussi changée.

"Réveillez-vous, ou vous la verrez partir de nouveau - mais cette fois elle n'aura peut-être pas son insolente chance de la dernière escapade. Faites-lui comprendre. Prouvez-lui. Et elle finira par comprendre où est son intérêt.", ses yeux sans vie (paradoxalement vu leur teinte ensanglantée) le fixèrent de nouveau, puis : "Elle doit comprendre. Je sais quelque chose sur le Traqueur qui me prouve qu'il ne peut s'occuper d'Eelian... Il est atteint d'un mal étrange qui réduit très fortement ses capacités mémorielles. Dans cet état d'esprit, il ne peut l'assumer. Imaginez... il ne se souviendra même pas d'elle. Je n'ose imaginer l'effet destructeur que cela aura sur elle - il vaut mieux qu'elle ne le voie jamais, et qu'elle reste ici."

Puis sans se rasseoir, elle marcha de long en large jusqu'à tomber d'un coup au sol, retournant dans le corps - l'esprit ? - de la jeune Hybride.

Aaron attendait une réaction d'Eelian, mais ce à quoi il eut droit, ça il ne s'y attendait pas... Une voix différente... Des paroles justes prononcées sur un ton affreusement glacial et sans appel... Il n'était même pas imaginable de penser qu'il pourrait se justifier ou quoique ce soit dans le même style... Après tout, ce second moi d'Eelian avait entièrement raison... Il était vrai qu'Eelian lui avait pardonné et Aaron en rajoutait... Il fallait vraiment être inconscient pour faire cela... Et en fait, il avait peut-être besoin d'être remis en place, besoin d'être aidé, ou plutôt guidé sur la seule et unique voie qui existait mais qui était camouflée par les autres voies qu'Aaron s'inventait lui-même...

Remis à sa place de manière exemplaire, la suite le marqua d'autant plus... Comment savait-elle cela sur le traqueur ? Mais à la vue de cet élément, il était clair qu'il n'avait aucun intérêt à écouter sa raison... Et puis, ne pouvait-il pas une fois se battre pour conserver quelque chose qu'il aimait de toutes ses forces ? Il n'avait pas son coeur pour l'instant, mais ne saurait-il pas le conquérir à force de patience, d'attention et d'amour ? Nul ne le savait, mais elle avait réussi à allumer quelque chose en lui... En fait, maintenant qu'il savait que Nathaniel ne pouvait pas être la source du bonheur d'Eelian, il lui fallait mettre tout en oeuvre pour que lui le soit... Avec le traqueur elle n'aurait pas été heureuse, elle le lui disait clairement... Alors, il fallait qu'il mette tout en oeuvre pour qu'elle soit heureuse avec lui, ici...

Il la regarda s'évanouir dans le corps d'Eelian... Se penchant sur cette dernière, il la regarda avec appréhension... Allait-il revoir ce regard rouge sang qui l'avait transpercé de part en part, ou reverrait-il le doux regard d'Eelian ?

" - Eelian ? Eelian ? "

* - Qu'est-ce que tu as fait...?
Eelian, ne doutes pas de moi. Moi seule ait le pouvoir de te protéger.
- Mais comment sais-tu cela sur... sur Nathaniel ??
Aaah, ça. Eh bien je l'ai vu sortir son calepin... et rangé à l'intérieur, une ordonnance pour un médicament sensé soigner... sa maladie, dirons-nous.
- Alors...
Alors cela suffit, et tu restes ici ! Avec tes conneries, on a bien failli y rester toutes les deux ! Mais ne t'en fais pas. Un jour viendra où je te laisserai seule... peut-être même te manquerai-je.
- N'y songe même pas. Cesse d'intervenir à tout bout de champ, particulièrement lorsque je ne veux pas te voir ! *

Perdue dans ce songe qui suivait toujours ces étranges heures où apparaissait son ego, Eelian entendit une voix lointaine.
Non... pas maintenant.
Comment faire pour se débarrasser d'elle ?

* A présent tu n'as plus besoin de moi, c'est cela ?
Quelle petitesse... quel fille intéressée tu es ! Dire que j'ai tout arrangé pour toi, pour que ta vie soit meilleure et que jamais le cauchemar qui te servait d'adolescence ne perdure ni ne recommence...
Eelian... personne ne sait qui je suis ni d'où je viens. Ma naissance en toi reste un mystère, d'autant plus que nous sommes "une" toi et moi.
Les rares personnes qui m'ont vue ne pourront jamais en témoigner, tu te souviens ?
Alors la médecine pas plus que la psychiatrie ne peuvent quoi que ce soit pour toi. Les médicaments non plus.
Sache juste cette dernière chose : je partirai lorsque bon me semblera, et à aucun autre moment.
Bientôt viendra le jour où ton regard d'ambre possèdera un oeil de sang. Et ce jour-là, tu sauras tout. *

La jeune femme se mit à faire des convulsions, en proie à un dilemme intérieur trop fort pour être contenu.
Un dilemme entre deux êtres de chair, deux personnalités, deux vécus qui s'affrontaient tout en cohabitant ensemble.
Puis cela se calma...
Et bientôt Eelian rouvrit ses yeux d'ambre, l'air un peu perdue...

"...Mon Dieu... quelle soirée.", soupira-t-elle, à bout de souffle et un vague sourire aux lèvres, ne sachant trop quoi dire.

Puis regroupant ses genoux contre elle, elle éclata en sanglots, épuisée mentalement comme physiquement.

Aaron regardait Eelian qui ne semblait pas ouvrir les yeux malgré ses appels... Se demandant si elle n'avait pas sombré dans un coma, ou autre forme d'inconscience, il continua d'appeler avec conviction. Pour seule réponse, il vit le corps d'Eelian commencer à être pris de convulsions... Mais que lui arrivait-il ? La prenant dans ses bras pour essayer de limiter l'ampleur des soubresauts qui s'emparait du corps de l'hybride, il la reposa lentement contre le sol lorsque tout sembla se calmer. Les yeux d'ambre qu'il connaissait apparurent enfin. Pourtant, il fut un instant désemparé devant la réaction d'Eelian... Une phrase prononcée du bout des lèvres, puis des pleurs... Aaron ne supportait pas de la voir ainsi...

Lentement, il l'enlaça doucement de ses bras et l'attira contre elle. Il était là pour elle, quoi qu'il arrive. Elle devait le savoir, après tout...

" - Ne t'en fais pas, tout ira mieux, je t'en fais la promesse. "

Remarquant qu'elle semblait fatiguée, Aaron jugea bon d'arrêter là pour ce soir. Une bonne nuit de sommeil lui ferait du bien, d'autant plus que sa blessure à la tête devait l'affaiblir un peu quand même. Plaçant ses mains de manière à pouvoir la porter, Aaron lui demanda quand même son avis :

" - Que dirais-tu de retourner dans ton lit ? Je pense que du sommeil de ferais du bien, non ? "

Le coeur encore battant, elle sentit Aaron l'attirer à elle. Se serra contre lui et l'agrippa de toutes ses forces, le visage contre son épaule.
Pourquoi pleurait-elle, au fond ?
Parce qu'elle était claquée, qu'elle en avait marre ?
Parce qu'elle ne pourrait jamais revoir l'inconnu ? Parce que l'autre était réapparue ?
Parce que finalement, tout ce qu'elle croyait naïvement "maîtriser" partait littéralement en pièces ?
Peut-être bien, oui.

Sans compter qu'il y avait eu trop de changements en elle et en-dehors d'elle, des changements impressionnants... la tigresse s'était transformée en chat d'appartement, et cela la déroutait. C'était plus facile que prévu. Plus agréable, surtout.
Incompréhensible.

Mais au final aussi, elle se rendit compte que la douleur de la jalousie - cette amertume étrange qui s'immisçait tel le plus puissant des poisons en chaque humain, qu'il le montrât ou non - l'avait également atteinte.
C'était une stupidité, une aberration typiquement humaine... Mais malgré tous ses efforts, c'était un fait.

Jalouse... d'une foutue Hybride de passage... pour un homme qu'elle voyait juste comme...
Et comme quoi à présent ?
Au fond, il était tellement plus facile de le haïr, avant.
Il semblerait que l'autre eût raison. Mais Eelian n'avouerait pas si vite, si facilement. Elle ne se rendrait pas à l'évidence sans un peu d'aide de la part du principal intéressé...

"Oui, rentrons...", murmura-t-elle en gardant les yeux fermés. "J'ai besoin d'y voir plus clair, après tout ça... et j'aimerais aussi en savoir plus sur toi."

Quelque part, un rouage s'était débloqué, et la Grande Roue de chaque vie recommençait à tourner.
Eelian avait sans doute fait le meilleur choix qui soit...

Aaron s'était étonné de la force avec laquelle Eelian s'était sérrée contre lui et l'avait aggripée. Il faisait son possible pour que son étreinte soit rassurante et protectrice... Beaucoup de choses c'étaient passées ce soir et même pour Aaron une bonne nuit de sommeil ne serait pas de trop. Surtout pour se mettre en tête une bonne fois pour toute qu'il fallait se battre pour ce qu'on aime, pour celle qu'on aime. Il fallait qu'il change un peu, voir même un peu beaucoup à ce niveau là, mais l'autre, qui était en Eelian avait su lui remettre les pendules à l'heure... Chose que personne n'avait su faire depuis un bon moment maintenant...

Un murmure... Eelian voulait rentrer, qu'à cela ne tienne. Il passa ses bras de telle sorte à pouvoir la soulever en douceur sans trop la bouger. Elle exprima aussi son désir d'y voir plus clair, ce qu'il pouvait comprendre... Puis également celui d'en savoir plus sur lui. Aaron eut un petit sourire à cette remarque, la portant vers sa chambre, il lui murmura doucement :

" - Après une bonne nuit de sommeil, je t'apprendrais tout ce que tu veux savoir sur moi, je n'aurai aucun secret pour toi. Mais d'abord, il vaut mieux pour toi et moi de passer un petit moment entre les bras de Morphée. "

Alors, Aaron rentra à nouveau dans la villa, Eelian dans les bras. Il se dirigea vers sa chambre, poussa la porte avec son pied et la déposa délicatement dans son lit à elle. Il joua ensuite avec les draps pour la recouvrir, histoire qu'elle n'ait pas froid et se pencha sur elle un moment pour la regarder... L'instant d'après, il déposa un baiser sur son front, délicatement et lui souhaita une bonne nuit. Alors lentement, il prit la direction de la porte et, se retournant pour l'admirer une dernière fois, il referma la porte sans un bruit...

» Le lendemain, toujours le jardin...
» Dans la vitrine.( PV)
» dans un cerisier...
» Dans ma chambre, avec toi[PV]
» Mains dans les poches.