Le lendemain, toujours le jardin...

Eelian était une lève-tôt.
Habituée très jeune à se réveiller au moindre bruit, tous sens en alerte, elle devait avouer qu'elle avait passé une excellente nuit.
Sans doute la fatigue et les évènements de la veille y étaient-ils pour beaucoup...

Elle s'étira, et sans se soucier de l'heure, descendit l'escalier de la maison apparemment encore endormie.
Les deux chatons d'Aaron vinrent la saluer, et elle les laissa la suivre dans le jardin, souriant tendrement en les regardant jouer ensemble.

Pas de footing, pas d'exercice de quelque ordre qu'il soit, juste admirer le soleil se lever et respirer l'air frais.
Elle frôla de sa main monstrueuse le bandage qu'elle portait à la tête. Cela lui faisait encore un peu mal... un mal de tête lancinant la saisit, mais elle l'oublia vite...

...et se mit à jouer avec les chatons.
Car après tout, sans sa main plutôt ignoble, elle tenait énormément du chat, et sans doute les deux petits l'avaient reconnue en tant que telle - comme l'une de leurs semblables en somme.
Puis elle s'affala non sans une certaine délicatesse dans l'herbe encore un peu humide, soupirant d'aise. Puis se releva, fermant les yeux...

Dans sa tête, une étrange mélodie.
Dans le moindre de ses gestes, une certaine magie.
Et dans son attitude générale, un bien-être peu commun...
Toute à son activité relaxante, elle n'entendit pas immédiatement le nouveau venu...

Aaron avait lui aussi passé une bonne nuit. La journée, enfin surtout la soirée, avait été éprouvante pour lui aussi et il devait bien avouer qu'il s'était endormi comme une masse lorsqu'il s'était glissé entre ses bras. Ses songes avaient d'office été tous tournés vers Eelian, mais cela il le garderait pour lui. Ou peut-être que, si elle lui demandait, il le lui dirait... Réprimant l'envie d'aller voir si Eelian dormait encore, il passa devant sa porte sans bruit et descendit au rez de chaussée. S'avisant avec étonnement que Ying et Yang n'étaient pas entrain de lui sauter dessus comme tous les matins, il comprit bien vite qu'il n'était pas descendu le premier. Alors, lentement, il fit le tour du salon et de la cuisine sans y voir personne. Ouvrant le frigo, il se servit un verre de lait qu'il but d'une traite avant de laver le verre dans l'évier.

Toujours lentement, il se dirigea vers la baie vitrée qui menait au jardin... Il avait effectivement vu juste... Eelian était assise dans l'herbe, dehors, et les chatons n'étaient pas loin. Il s'appuya légèrement contre la vitre, histoire de pouvoir la regarder un instant. Il ne savait pas pourquoi, mais il était énormément attiré par elle... Elle était un tout qui avait su prendre son coeur, sans le vouloir forcément, mais qui l'avait tout de même pris. Un léger sourire naquit sur son visage, oui elle était vraiment belle... Doucement, il ouvrit la baie vitrée et s'invita dans le jardin. Pied nu, il ne fit pas énormément de bruit et Aaron se doutait que, si les chatons n'avaient pas foncés sur lui à sa vue, il aurait peut etre pu faire une surprise à Eelian.... Mais les chatons étaient maintenant à ses pieds et commençaient déjà à vouloir jouer. Aaron les taquina légèrement et approcha d'Eelian pour s'asseoir à côté d'elle :

" - Bonjour... Tu es bien matinale dis moi. "

...Une personne dès le matin, une présence rassurante.
Quelqu'un qui ne lui voulait pas de mal et qui ne lui causerait sans doute jamais de tort...
Que dire, que faire dans ces cas-là ?
Les réveils de son passé ne ressemblaient en rien à cela...
Mais Aaron la devança :

" - Bonjour... Tu es bien matinale dis moi. "

Charmante entrée en matière, simple et efficace. Alors c'était comme cela qu'on s'y prenait...
Eelian sourit.

"Je... oui, je l'ai toujours été je crois. Enfin... à compter du moment où ma mère est morte, je le suis devenue."

Soudain elle rougit et s'écria :

"Ah... excuse-moi ! Je suis glauque dès le réveil... je ne voulais pas...", elle soupira puis eut une idée pour changer la conversation : "...Est-ce que tu te souviens de tes rêves ?"

En effet, chez elle, les rêves laissaient une empreinte assez profonde ; dès le réveil, elle se sentait encore quelque part, prisonnière de son monde onirique plus ou moins agité.
Et il lui fallait toujours beaucoup de temps pour émerger (mais pas se lever) et réaliser qu'elle ne dormait plus.
Etait-ce son cas ?

Juste une chose cependant...
Ses sourcils se froncèrent en songeant de nouveau qu'elle se métamorphosait réellement en potiche. Ce changement... lui convenait-il donc tant que ça ?
Comment changer sans en oublier son essence profonde ?
Puis son attention revint sur Aaron, et elle se sentit obligée de préciser d'une voix moins mièvre :

"Tu n'es pas forcé de m'en parler, seulement... il se trouve que j'aime le monde des rêves, et l'occultisme en général. L'autre m'en a parlé... Et d'ailleurs, tu l'as rencontrée n'est-ce pas ?"

Là encore, la question la laissa perplexe.
En temps normal, elle aurait d'elle-même évité la conversation au sujet de l'autre...
A croire que plus rien n'était logique à présent.

Aaron, installé dans l'herbe, essayait d'occuper les chatons, un peu trop joueurs ce matin, en les attirant sur l'une de ses mains. Il leur en fallait peu pour jouer et puis cela permettait à Aaron de ne pas être soumis à des sauts de prédateurs. A la réponse d'Eelian, il perdit un temps son sourire, après tout son but n'était pas de lui remémorer de mauvais souvenirs. Ce qu'elle dit ensuite le rassura un peu. Puis la question qui suivit le fit sourire. Oh oui il se souvenait de ses rêves, pas de doute là-dessus...

" - Ne t'en fais pas, il n'y a pas de soucis. Quand à mes rêves et bien... Si j'arrive à me les repasser en tête au réveil, oui je m'en souviens... Sinon et bien ils filent rejoindre les brumes de l'oubli. "

Au fond de lui, il se demandait s'il n'aurait pas mieux fait de dire qu'il ne se souvenait pas de ses rêves, car forcément, après une réponse pareille et bien, on se devait forcément de parler des rêves qui nous étaient restés... Eelian jugea pourtant bon de préciser qu'il n'était pas obligé de le lui en parler, s'il ne le souhaitait pas... Mais après tout elle était concernée tout autant que lui... Et de toutes façons, ce n'était que des rêves normaux... Rien de vulgaire ou choquant...

" - Oui, je l'ai rencontré hier soir, avant de t'emmener dormir. Pour ce qui est des rêves ça ne me dérange pas du tout de t'en parler... En fait, c'était un peu banal, mais nous nous balladions tous les deux dans le bois. On était tous les deux tranquilles, tu allais bien, tu souriais, et moi j'étais heureux... C'est un peu niais comme rêve, je sais, mais bon, on ne les contrôle pas, c'est ce qui en fait leurs charmes. "

Il se sentait un peu idiot d'avoir rêvé cela, mais bon, après tout, tout le monde affichait ses envies dans ses rêves, et il était vrai qu'aspirer à son propre bonheur était quelque chose de normal pour un être humain non ?

" - Et toi ? Tu as rêvé cette nuit ? "

Un rêve niais, hein...
Une partie d'elle-même sourit ironiquement à cette remarque.
Quant à l'autre, elle ne disait rien. Et Eelian, la "nouvelle" Eelian, se sentait quelque part flattée...
Mais lorsqu'il lui demanda si elle avait rêvé cette nuit, elle perdit un peu son sourire. Ce n'était pas le moment de...

Oui, elle avait rêvé.
Et l'on ne contrôle pas ses rêves, ça se saurait...
Du dos d'un homme qu'elle ne connaissait pas.
De son corps, de ses mains, de son sourire. De ce qu'il était, de ce qu'il représentait...
Nathaniel le Traqueur l'avait tellement marquée qu'elle parvenait à le voir jusque dans ses rêves.
Puis le reste... elle préférait amplement le garder pour elle-même.
Aussi répliqua-t-elle...

"Oui, mais je ne pense pas que ce rêve soit si important que ça. J'ai en revanche certains rêves qui reviennent... comme dans l'un d'eux où je vois mon frère." Elle s'interrompit, perplexe, puis : "Mais je ne sais pas si j'ai un frère ! Je veux dire... enfin... Je ne sais vraiment pas. Et si c'est le cas, cela m'étonnerait qu'un jour je le retrouve."

Elle pensait cependant que ce rêve était clair et précis ; elle avait sûrement un frère, oui, mais ce n'était pas dans ses priorités de le retrouver, de gâcher la vie de cet inconnu en essayant de la chercher...

"Bref. Que faisons-nous aujourd'hui ?"

Aaron regardait le ciel. Il était bien différent de la veille au soir. D'abord par sa couleur, puis aussi par l'absence de milliers de petites choses qui scintillaient. Il n'y en avait plus qu'une qui éclairait tout ce qu'elle pouvait. Quelques oiseaux avaient élus domicile dans un arbre du jardin et sifflaient joyeusement. La matinée commençait bien et le ciel indiquait que la journée dans sa globalité serait belle. Son regard d'ambre perdu dans le bleu du ciel, il écouta ce que dit Eelian... Ainsi elle rêvait d'un frère ? Aaron ne s'y connaissait pas trop en rêves, mais le fait de refaire souvent le même rêve devait forcément avoir une signification... Même cachée... Car généralement les rêves n'étaient jamais à prendre au premier degré, il y avait toujours un sens induit à trouver, enfin c'est l'idée qu'il en avait.

" - Qui sait, il ne faut jamais jurer du hasard. "

Et après un bref instant de silence, elle lui demanda ce qu'ils faisaient aujourd'hui. Lui-même n'en avait aucune idée... C'était le début du weekend et il n'avait rien prévu de particulier.

" - Et bien... Ma foi c'est une bonne question, on peut faire beaucoup de choses... Se divertir, faire les magasins, se ballader, ne rien faire... Il y a beaucoup de choses à faire, mais personnellement, je ne fais rien le ventre vide ! Alors avant toute chose, je vais préparer un petit déjeuner ! Qu'en dis-tu ? Tu as faim ? "

* Lost on the way, no one to blame, no one to say,
Nothing to do with the way everything's changed

Lost I feel a little like, a child who's lost, a little like,
Everything's changed a lot, I didn't like all of the pain,
Lost, confused, a lot of it, is hard to take, and cause of it,
Everything's changed I thought I'd make it through the pain *

Oui, son rêve était peut-être fondé.
Mais Eelian aurait préféré être franche...
Puis elle regarda Aaron en souriant ; il fallait qu'elle le pousse à prendre confiance en lui... qu'elle lui fasse comprendre que tout en valait la peine.

Elle s'approcha sans se départir de son sourire, voulant le mettre au pied du mur et ainsi le faire réagir.
Un tel homme se devait d'agir en tant que tel !

* Lost on the way, no one to blame, no one to say,
Nothing to do with the way everything's changed
Lost on the way, no one to blame, no one to say,
Nothing to do with the way everything's changed *

"...Oui, il se trouve que j'ai faim.", déclara-t-elle.

Mais peut-être pas de nourriture...
Enfin ça, il le comprendrait immédiatement, c'est-à-dire lorsqu'elle passa ses bras autour de sa taille et se collant à lui, l'embrassa de nouveau.
Il faisait jour... ce serait amusant de voir s'il rougissait.

Encore dans sa contemplation du ciel, il posa son regard sur elle lorsqu'elle aussi posait son regard sur lui. Son sourire anima un sourire aussi sur ses lèvres. Pourtant, en regardant dans ses yeux, il se doutait qu'elle avait une idée derrière la tête... Pourtant il n'en savait rien... Il en eu une petite idée lorsqu'elle se rapprocha de lui et qu'elle lui avoua qu'elle avait effectivement faim... Intérieurement, une petite voix lui souffla qu'elle n'avait pas vraiment envie de céréales ou de pain avec de la confiture... Il en fut totalement sur lorsqu'elle passa ses bras autour de sa taille et qu'elle se colla à lui pour finalement l'embrasser. Totalement pris au dépourvu, comme la veille, une bouffée de chaleur l'envahit et il se sentit légèrement rougir. Lentement ses bras vinrent saisir sa taille à elle. Après tout, il en avait envie, pourquoi refusait alors quelle lui servait tout cela sur une plateau d'argent ?

Reculant légèrement ses lèvres, il murmura :

" - Quelque chose me dit que toi tu as faim d'autre chose que du pain..., non ? "

Il eut un léger sourire, qui, associé avec ses joues plus roses que la normle, lui donnait un air d'enfant. Doucement, ses lèvres, se reposèrent sur celles d'Eelian. Il appréciait leur douceur... En fait, il appréciait être dans ses bras, il se sentait vraiment un autre homme... Doucement, il se laissa tomber en arrière sur l'herbe. Son regard plongé dans le sien, il se demandait s'ils ne pouvaient pas se prendre un peu de temps pour eux... Avant de commencer quoique ce soit... Enfin, peut-être qu'elle ne le voulait pas... Mais cela, il le verrait bien.

Il avait bien saisi le message.
Effectivement oui, la jeune Hybride avait envie de lui, besoin de le sentir proche d'elle... de lui faire subir une douce et lente torture.
Malheureux à dire, mais elle s'y connaissait en plaisirs de la chair... Et si elle pouvait s'en servir pour une bonne raison, alors ce serait vraiment la meilleure des choses.

"Oh, et qu'est-ce qui te fait dire ça ?", se moqua-t-elle avec un air tendre. "Tu pourrais t'installer comme médium, avec une telle lucidité. Mais..."

"Mais" elle ne continua pas sa phrase et le suivit lorsqu'il s'allongea dans l'herbe, prenant un malin plaisir à le caresser et l'embrasser dans le cou. Puis, mordillant son oreille, elle y murmura :

"Si tu as quelque chose à me demander, fais-le maintenant car je ne compte pas arrêter. J'en ai envie, et j'en ai besoin aussi... Je ne veux pas te laisser à quelqu'un d'autre, tu sais..."

Ce n'était pas une supplique, juste un désir exprimé ainsi.
Mais au fond, elle savait qu'Aaron comprendrait qu'elle lui laissait quelques secondes pour s'exprimer...

Couché sur le dos, dans le matelas naturel qu'était l'herbe de son jardin, Aaron réalisait que peut-être il obtenait ce qu'il avait toujours voulu... Séduire celle qui avait prit son coeur... Ne pas la forcer, la laisser être libre de ses choix... Lorqu'elle s'était moqué doucement de lui, Aaron avait eu un rire en l'entrainant avec lui.

" - Médium ? Je ne sais pas, je ne pense pas vraiment avoir de don... Et puis je préfère le métier que je fais... "

Il ne put pas en dire plus, plus occupé à frissonner sous les caresses et les baisers d'Eelian qui parsemaient son cou. Il sentit également que son oreille était passée sur le menu de l'hybride, puis entendit un murmure. Ce qu'il entendit accéléra les battements de son coeur, non il n'avait rien à demander, ce qu'il voulait elle le lui offrait sur un plateau, comme toujours. Il avait l'impression qu'elle laisait dans ses pensées, ou alors ils étaient branchés sur la même longueur d'onde, ou enfin, le hasard voulait que ça se passe comme ça... Et puis finalement qu'est ce qu'on en avais à faire ? Se concentrer sur le moment présent était bien plus intéressant.

" - Je ne demande rien... Je veux juste que tu continues... "

Et il se laissa envouter par celle qui avait de fortes chances de s'y connaitre plus que lui...

Bien que certains passés, écrits à l'encre du sang et des larmes, n'étaient voués qu'à se reproduire éternellement, Eelian savait que ce qui la sauverait étaient les "sentiments" de ces êtres singuliers et ambigüs qui avaient asservi les siens.
Et elle l'acceptait.
Là, maintenant, entre les bras de cet homme.
Et ce serait sans doute la première fois qu'elle n'y était pas forcée...

Dans chaque existence vient un jour où quiconque peut ou doit décider en qui il placera toute sa confiance, quoi qu’il advienne... Quitte à ce que cette personne le trahisse. Et ce jour était arrivé pour Eelian.... Elle l'avait décidé d’elle-même.

Mais pourquoi alors cette espèce de peur qui lui dévorait les tripes ?
Pourquoi n'arrivait-elle pas à agir comme elle l'avait toujours fait avec un homme...?
Sans doute parce qu'Aaron représentait bien plus que ça...

Elle se redressa alors, un peu calmée.

"Je... je suis désolée de t'avoir donné de faux espoirs. Mais... ce n'est pas comme ça que je l'imaginais... Je ne voulais pas que ce soit fait à la va-vite, comme ça, alors que c'est moi qui te l'ai proposé. Vraiment, excuse-moi...", dit-elle en baissant les yeux. "Ce serait stupide de ma part de me contenter d'agir comme je le faisais autrefois..."

Et c'était toujours elle qui faisait le premier pas.
Alors pour une fois, il pouvait bien attendre... et "organiser" cela dans les règles. Oui, ç'aurait été dommage de gâcher le peu qu'ils avaient construit la veille...

Aaron laissa Eelian se redresser, il avait comprit que quelque chose avait du traverser l'esprit d'Eelian et qu'elle ne voulait plus continuer. Alors soit, ce n'était pas grave. Un regard apaisant, une oreille attentive à ce qu'elle disait. Non, ce n'était vraiment pas grave... Et, à y réfléchir elle n'avait pas tort... Il se redressa et lui donna un baiser sur le front, une main passa dans sa chevelure et il répondit :

" - Ce n'est rien, ne t'en fais pas je te comprend. Nous prendrons le temps et nous ferons ça dans les règles de l'art. Ne t'excuse pas, nous nous sommes laissés emportés, nous n'aurions pas du. Tu as bien fait. "

Doucement, il la fit rouler sur le côté pour la coucher dans l'herbe à côté de lui. Son regard était sincère et elle pouvait avoir confiance en ce qu'il avait dit. Il comprenait parfaitement et autant ne pas revenir sur le sujet.

" - Soyons donc plus sérieux, que veux-tu à manger ce matin ? Je peux presque tout faire, tu n'as qu'à demander. Lait chaud ? Thé ? Café ? Tartines grillées ? Ou peut-être même des oeufs et du bacon ? y'a tout ce qu'il faut et je cuisine, alors ne te prive surtout pas. "

Aaron s'était assis, une jambe fléchie et l'autre tendue, il avait posé sa main droite sur le genoux qui servait à présent de porte-coude et soutenait sa tête avec sa main. Le regard posé sur Eelian, il arborait un sourire léger sur ses lèvres...

...tout bonnement incroyable.
Un homme qui acceptait de remettre ça à plus tard ??
...ça alors, quelle surprise.
La jeune Hybride tomba des nues, pensant tout juste se prendre une gifle bien méritée, ou pire...
Mais elle avait tendance à oublier à qui elle avait affaire.

Elle l'écouta parler, les genoux regroupés contre sa poitrine, encore perplexe.
Manger... ah oui, c'est ce qui était prévu...
A dire vrai, elle ne connaissait pas la moitié de ce qu'il lui citait là !
"Café"...? La sonorité lui plaisait. "Tartines grillées" également.

Mais que lui plaisait-il à lui ?
Entendre cela, pour un homme, était-ce aussi simple à évincer, à oublier ?
Pourquoi n'était-il pas comme les autres ?
Au moment où elle pensait avoir un semblant de réponse, il faisait toujours quelque chose qui réduisait ses hypothèses à néant.

Relevant la tête, elle lui sourit aussi et répondit :

"Du café... et des tartines, s'il te plaît."

En réalité, la difficulté qu'elle eut à lui répondre n'était aucunement due à ses précédentes pensées, mais à un violent mal de tête...
Tête qu'elle tourna discrètement, faisant mine de se moucher avec un vieux mouchoir qu'elle avait, alors qu'elle épongeait le sang qui s'était mis à couler de ses narines.
Hébétée, elle regardait ce sang... cette parcelle de vie qui s'écoulait tranquillement tandis que son coeur battait à tout rompre.
Elle ne voulait pas qu'Aaron la voie ainsi, mais...

...mais la teinte quasi orangée de ses yeux ne pouvait lui échapper, tête tournée ou non.
Il se passait quelque chose, oui... l'autre l'avait prévenue... mais de quoi s'agissait-il, enfin ??

"...Aaron... je crois qu'il y a un problème.", murmura-t-elle en se retournant vers lui, son mouchoir imbibé de sang sur le nez, faisant fi de son reste de fierté.

Aaron regardait Eelian de ses yeux d'ambre où perlaient des lueurs d'amour et de tendresse... Lorsqu'elle releva la tête pour lui demander dans un sourire du café et des tartines. Aaron lui sourit à son tour et répondit :

" - Et des tartines et du café pour la demoiselle, je m'en charge. Si tu veux tu peux rester là, je te l'apporterais. Sinon tu peux essayer de trouver la cuisine. "

Aaron se releva doucement, prêt à rejoindre la cuisine pour mettre en marche la cafetière et le grille-pain. Alors qu'il allait commencer à marcher, il entendit Eelian l'appeler, alors qu'il se retournait, il l'entendait dire qu'il y avait un problème. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour faire le lien entre le mot " problème " et le mouchoir ensanglanté non loin du nez d'Eelian...

" - Bon, pas la peine de s'alarmer. Tu as mouché ton nez ? Fais le un bon coup, puis penche la tête en avant en comprimant les ailes de ton nez entre le pouce et l'index, et ne lésine pas là-dessus, appuie aussi fort que tu peux ! et tiens tout ça une bonne dizaine de minutes. Je vais te chercher un bout de mouchoir propre que tu mettras sous ta langue et que tu comprimeras avec celle-ci. Ca aura pour effet d'assecher cette partie là de la bouche et le cerveau détournera le sang pour produire de la salive. L'action combinée de cela et de la compression devrait faire s'arrêter les saignements... Si ça ne s'arrête pas, je t'emmènerai voir un médecin... J'ai beau avoir des connaissances, j'ai mes limites. "

Il vérfiia qu'Eelian appliquait ce qu'il lui avait dit et alla récupérer un mouchoir dans la cuisine...

La panique du moment céda face aux conseils d'Aaron...
Il savait ce qu'il faisait, et ce qu'il lui disait.

"...D'accord, c'est... je vais le faire."

Puis la voix familière, légèrement teintée d'ironie cette fois, refit surface, n'arrangeant pas le mal de tête de la jeune Hybride...

* Je te l'avais dit... rien n'est évident.
Rien n'est facile non plus.
Tu pensais vraiment que notre fusion se ferait d'un claquement de doigts ?
Réponds-moi, ma belle... Eelian, dis-moi si tu es vraiment aussi naïve que tu le sembles à présent...
- ...Pourquoi ?
- Parce que cela ne pouvait durer ainsi. J'en ai assez d'être ta moitié. Je veux devenir une part entière de toi-même. Maintenant, si ton corps n'y résiste pas, alors tant pis... c'est que j'aurai choisi le mauvais réceptacle.
- Qu'on crève ensemble, ça te convient vraiment ?
- ...Oui. Car quoiqu'il advienne, tu resteras à moi. A jamais. Et ce n'est pas de pencher la tête en arrière ou de t'éponger le nez avec un mouchoir qui y changera quoi que ce soit... *

Mais malgré cela donc, et malgré les perspectives de la journée, l'écoulement ne cessa pas.
Les doigts tremblants, Eelian s'acharnait à maintenir ses "naseaux" compressés, en vain...
Au contraire, il était tellement abondant que lorsqu'Aaron partit, elle sentit la tête lui tourner de manière très intense.
Et elle s'évanouit...

Oui, aller voir un médecin était sans doute la dernière issue, du moins celle qui leur en apprendrait le plus à l'un comme à l'autre.
Quoique...

Aaron était partie en grandes foulées dans la cuisine à la recherche d'un mouchoir propre qui ferait l'affaire. Remuant quasiment ciel et terre, il en dégotta finalement un dans un tirroir. Il ressortit aussi vite qu'il le put en évitant de se vautrer lamentablement par terre et revint au chevet d'Eelian... Apparement pas assez vite, car elle semblait s'être évanouie. Ni une ni deux, Aaron ne prit pas le temps de réfléchir plus loin, il fallait absolument qu'elle voie un médecin et il n'y avait pas à tergiverser, la prenant dans ses bras, il la souleva, et la porta à travers la maison. Ouvrant la porte avec un peu de difficulté mais y arrivant tout de même, il se dirigea vers la voiture et la déposa à l'arrière. Heureusement qu'il avait pensé à s'habiller décemment avant de descendre ! Ca lui éviter d'autres soucis bien mineurs...

Il songea ensuite à Minael et retourna dans la maison, histoire de lui griffonner un petit mot lui disant qu'il était partie avec Eelian chez le médecin pour vérifier que sa blessure au front se résorberait sans soucis. Que d'ici qu'ils rentrent, il pouvait faire ce qu'il voulait, et qu'il devrait peut-être penser à nourrir les chatons. Une fois ceci fait, il bondit hors de la villa et ferma la porte. Rentrant dans la voiture, il démarra et prit la direction d'un médecin. Attrapant son portable en roulant, ( c'est pas bien mais c'est une urgence ! ) il appela le centre médical le plus proche, précisant qu'il apportait une "urgence". On lui indiqua qu'il pouvait approcher jusque devant l'entrée, normalement réservée aux ambulances et sa connaissance lui confirma qu'on prendrait Eelian en charge immédiatement. Rassuré, il conduisit rapidement mais avec beaucoup de sécurité la voiture vers l'hôpital.

Arrivé, il vit son collègue, un ami de la fac, avec un brancard qui attendait. Aaron prit Eelian dans ses bras et la déposa sur le matelas.

" - Elle s'est évanouie ce matin, suite à saignement du nez. Apparement, il ne s'est pas encore arrêté. Durée du trajet cinq minutes. Donc ça fait une dizaine de minutes que ça a commencé... "

"Aaron ! Mais moi aussi je suis enchanté de te revoir !", lâcha le jeune médecin en voyant son ami.

Bien sûr, il se doutait que l'affaire était sérieuse, mais un peu d'humour ne faisait de mal à personne n'est-ce pas ?
Il jeta un bref coup d'oeil à la jeune femme allongée sur le brancard, fronça les sourcils en voyant que le saignement ne semblait effectivement pas vouloir s'arrêter.
Perplexe, il ordonna néanmoins à l'un des brancardiers de la mener dans une salle d'opérations, invitant son ancien camarade de Fac à le suivre.

"Comment est-ce arrivé ? Je veux dire, est-elle restée trop longtemps au soleil ? A-t-elle pris un coup récemment, est-elle tombée ?"

Sa voix était froide et calme... complètement médicale.
Il scruta de nouveau Aaron attentivement, essayant de voir la moindre réaction sur son visage...

"Je ne t'apprends rien en disant que différentes méthodes existent pour comprimer la zone hémorragique : le "tamponnement postérieur" ou pose d'une sonde à ballonnet gonflable dans la fosse nasale par exemple. dans son cas cependant, je pense aller jusqu'à une embolisation du vaisseau sanguin responsable ou à sa ligature chirurgicale. En clair, je vais devoir l'opérer... mais pour éviter une quelconque erreur, je vais procéder à quelques batteries de tests. Et pour enrayer quelque peu le saignement, on se contentera du bon vieux coton."

En clair, Aaron devait changer ledit coton pendant qu'Eelian passerait (sans le savoir) ses examens ; par conséquent, il devait rester avec elle tout ce temps.

" - Excuse moi, j'en ai oublié les politesses... "

Il serra la main de son ami.

" - Disons que je suis très préoccupé par ce qui lui arrive. "

Virent ensuite les questions de routine, Aaron y répondit facilement. Il lui raconta ce qui c'était passé, sa blessure à la tête qu'il avait soignée l'avant-veille. Pas question de mentir à un ami et puis autant être franc, il le verrait bien tôt ou tard. Puis lorsque le médecin lui annonça ce qu'il était en mesure de faire, mais qu'avant il ferait une batterie de tests, Aaron lui répondit :

" - Non, effectivement tu ne m'apprends rien, mais pour la batterie de tests il n'y a pas de problème, on est de toute façon le weekend et il est hors de question que je la laisse seule. Tu me donneras un paquet de coton et je m'occuperai d'elle pendant que tu officieras. "

Son ami se retournant pour déplacer le brancard, Aaron l'attrapa par le bras et le regarda dans les yeux :

" - Je ne t'apprend rien en disant que je ttiens énormément à elle, et que je compte sur toi pour tout faire. "

Vincent, car c'était son nom (...), fut extrêmement surpris de voir son ami être aussi direct et "démonstratif" ; l'affaire devait vraiment le perturber...
Alors cette jeune minette avait réussi à charmer le plus sauvage des hommes...? Les choses étaient décidément amusantes...

"Ne t'inquiète pas, je ne vais pas te la casser ta minette.", dit-il avec un large sourire, confiant. "Et je pense que nous pouvons faire quelque chose, peu importe le traumatisme qui a provoqué son état. Il faut juste ne pas trop tarder..."

Il se dirigea vers une salle d'examen annexe à la salle d'opération où était le brancard, puis revenant dans la première pièce il se mit au travail avec efficacité...

...prises de sang, scanner, radios, sans compter tout le reste.
L'avancée de la médecine n'était pas flagrante sur Olphéra, mais par exemple lorsque l'on avait de quoi payer, les résultats arrivaient bien plus vite.
C'était le cas d'Aaron.
Les résultats complets des examens tomberaient en fin de matinée, soit dans près de trous heures.

Ainsi, trois heures plus tard, Vincent revint et entraîna Aaron dans la salle annexe :

"C'est un cas peu commun... apparemment, c'est bien le fameux coup dont tu m'as parlé qui aurait légèrement abîmé l'une des cloisons nasales. Mais pas de trace véritablement physique, comme si le problème était plus d'origine... psychosomatique. C'est assez difficile à expliquer, mais disons que si ledit coup était réellement à l'origine de ça, le saignement aurait été immédiat. C'est étrange, cela me rappelle un cas similaire... enfin, pas exactement non plus, mais..." Il soupira, puis reprit : "Enfin bref. De toute manière, il n'y a pas de problème ; je lui ai injecté une solution anti-coagulante, et je lui donnerai des médicaments à prendre pendant un mois."

La coagulation sanguine ou coagulation du sang humain est un processus complexe durant lequel le sang forme des caillots solides. C’est une partie importante de l’hémostase où la paroi endommagée d’un vaisseau sanguin est couverte d’un caillot de fibrine pour arrêter l’hémorragie et aider à réparer le vaisseau endommagé. Les troubles de la coagulation peuvent entraîner une plus grande hémorragie et/ou une thrombose et embolie.
Un peu de culture, ça ne fait jamais de mal, n'est-ce pas ?

Aaron tiqua sur le surnom de minette que lui avait donné son ami. Un regard sceptique, une voix sérieuse :

" - Ce n'est pas ma minette, Vincent. Respecte là, je t'en prie. "

Puis laissant le médecin officier, il l'accompagna en silence, veillant sur Eelian, encore inconsciente. Une fois les tests effectués, Aaron s'installa, laissant celle qu'il aimait aux mains expertes de son ami, dans la salle d'attente... Le temps fut long, mais bon, Aaron prit patience et se dirigea immédiatement vers son ami lorsqu'il le vit arriver. Entrainé dans la salle annexe, il écouta son ami. Aaron sourit lorsqu'il eut fini :

" - En clair, tu ne sais pas comment c'est arrivé, mais tu as su le guérir, ou tu penses l'avoir guéri. Si ça marche, c'est l'essentiel. J'essaierai de voir avec elle si j'en trouve la cause. Je ne veux pas la brusquer non plus. Merci pour ce que tu as fait pour moi, Vincent.

Passant dans la salle où Eelian était allongée, Aaron s'approcha d'elle. Doucement, il passa sa main dans les cheveux. Il remarqua qu'elle ouvrait lentement les yeux :

" - Eelian ? Je vais te ramener à la maison. "

Elle ne semblait pas vraiment consciente de tout, son avis étant qu'elle serait peut-être plus d'aplomb quand ils seraient rentrés. Passant ses bras autour d'elle, il la souleva doucement et posa sa tête contre son épaule. Il salua au passage son ami, le remerciant encore, et fila vers la voiture. La plaçant à l'arrière, il reprit le volant et rentra, il récupéra les médicaments préscrit par Vincent au passage. Encore à peine consciente, il la reporta vers son lit où elle pourrait récupérer.