Cela faisait des semaines, des mois que ce roublard cuivré s'en était allé loin, très loin de sa patrie, en quête de liberté, de paix enfin. Et juste au moment où il avait eu l'illusion de l'avoir trouvé, un autre problème était survenu, surtout en apprennant que d'autres comme lui étaient soumis à ces mêmes tortures sans fin, sans mots assez forts pour qualifier la souffrance que l'on pouvait ressentir, même si certains paraissaient cependant mieux traités que d'autres. Mais bon là n'était pas la question: ces personnes que l'on appelait esclaves se devaient d'être libres eux aussi. C'était une situation assez irritante, surtout pour un homme aussi susceptible que l'était Teken. Et évidemment, sa légère confrontation avec Olphéra n'avait pas été sans heurts. S'il avait réussi à s'échapper c'était grâce à sa rapidité et à son agilité de se servir de tous ses atouts pour se mettre hors de portée d'un traqueur ou autre.
Depuis, Teken avait erré, mettant un point d'honneur à placer le plus de distance possible entre son être et cette ville maudite. Il avait alors atteint une forêt où d'autres comme lui, libres, s'étaient regroupés et l'avaient "accueillis" d'une certaine façon avant de l'enrôler bon gré mal gré. Bon, le positif était qu'au moins, ce genre d'expédition à risque allait l'occuper à ses heures perdues. C'était aussi déjà un réconfort de retrouver comme une seconde famille même s'ils étaient un peu différents de lui.
L'hybride s'était alors adjugé la tâche d'observer un peu plus près les environs, ou même d'en avoir un certain point de repère. Seul moyen possible: le sommet d'une montagne. De là, il saurait situer tout ce qui l'entourait, Olphéra comme la forêt qu'il venait de quitter, ou même d'autres lieux comme ce village étrange non loin de la ville qui l'avait intrigué dès qu'il fut arrivé à une certaine hauteur. Mais à force de monter, la brume s'installa et lui brouilla la vue, le forçant à redescendre de force à une petite cavité épargnée du brouillard. Il haussa les épaules avec nonchalance; pourquoi ne pas rester là pour la nuit en attendant que la brume se lève?
Teken se roula en boule à l'entrée de la grotte, sa grosse queue rousse lui servant de cache-nez, fermant paresseusement les yeux après avoir vérifié qu'aucun prédateur ne rôdait dans les parages. Mais au moment où il atteignait enfin les portes du sommeil, un gargouillement significatif lui parvint aux oreilles; depuis combien de temps n'avait-il pas mangé? Quelques heures, voire quelques jours peut-être, il en avait perdu le compte. Le renard allait se replonger dans son sommeil qu'un craquement de branches fit bouger l'une de ses oreilles et le faire se relever brusquement, sur le qui-vive.
"Qui a donc le toupet de venir me déranger !?" fit-il quelques minutes après le bruit, d'assez mauvaise humeur sur le coup.